Le corps réel

La Voie du Réel : Yoga tantrique - Retour à Soi (1/6)

NATHALIE DELAY

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L’Un, l’Ultime, l’Absolu, la Source. Nous pouvons nous sentir radicalement étrangers à de telles notions. Abstractions intangibles ou dimensions métaphysiques inatteignables. Il est pourtant possible de les entendre autrement, de les entendre intimement. Il est possible de les laisser éveiller en nous un souvenir, une confiance, un amour, une reconnaissance. Se laisser toucher par ces mots, se laisser orienter par le sens vers lequel ils pointent. Pas demain, pas ailleurs, pas par la réflexion. Maintenant, ici, par la présence. 

C’est ce à quoi nous invite Nathalie Delay, avec évidence, simplicité et force. Enseignante du yoga tantrique du Cachemire, elle appelle à reconnaître l’Ultime non comme un horizon lointain, mais comme le cœur même de notre expérience. Dans son livre La Voie du Réel, le tapis de yoga, le potager, le bus ou l’agence de communication apparaissent comme autant de lieux propices au déploiement de notre véritable nature. Le premier thé du matin, une dispute, l’attention à la respiration ou même une détresse suicidaire s’y révèlent comme autant d’occasions opportunes. Chaque instant, chaque situation nous offre de nous restituer au Soi, au Réel. 

Nous reproduisons successivement six chapitres de La Voie du Réel, comme des invitations à la pratique, à la contemplation et à la résonance sensible. Chaque chapitre s’ouvre sur une stance du Vijñabhairava Tantra, un traité indien non-duel du huitième siècle, texte sacré aux enseignements profonds dont la portée reste intacte aujourd’hui et à partir duquel s’organise ici l’enseignement de Nathalie Delay. 

Dans ce premier chapitre, c’est à une écoute nue, inconditionnée du corps ressenti que nous sommes invité·es. 

> La Voie du Réel - Synchronique Éditions

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43. Contempler l’espace vide en son propre corps 

dans toutes les directions à la fois libère l’esprit 

de la pensée duelle. Tout devient espace, Conscience.

            Sentir, tour à tour, l’avant, le côté gauche, le côté droit, l’arrière du corps en contact avec les vêtements, le sommet du crâne en contact avec l’air, le plancher pelvien si on est assis, la plante des pieds si on est debout, en contact avec le sol. Ensuite, sentir tous les côtés en même temps – un seul ressenti, global. Sentir, puis inspirer successivement dans l’espace situé devant le corps, à gauche, à droite, à l’arrière, au-dessus et en dessous. Ensuite, inspirer dans toutes les directions à la fois, expirer en revenant au centre. 

            Laisser la sensation s’étendre plus loin, dans toutes les directions, à l’inspiration. À l’expiration, ne pas revenir au centre ; expirer dans la terre, dans le ciel, vers le sud, l’est, l’ouest et le nord. Le souffle s’étale dans l’espace, il remplit la pièce, traverse les murs, le sol, le plafond, sans qu’aucun obstacle ne le freine.

            La sensation du corps suit la dilatation du souffle. Le sentiment d’être localisé et circonscrit dans l’image du corps physique s’estompe. Si le mental n’objective pas ce vécu, nous goûtons la pure sensation d’être qu’aucune frontière ne restreint. 

            Le corps ressenti n’a pas de forme fixe, il change en permanence. Il n’est ni limité ni localisé. Cependant l’habitude d’objectiver le corps et de le restreindre à une image tend à le figer. Nos mouvements de refus, de défense, de préhension, d’impatience et d’inquiétude le contractent et lui font perdre sa fluidité naturelle. Sa qualité vibratoire s’atrophie. Il devient opaque, lourd. 

            Le yoga tantrique du Cachemire permet de prendre contact avec cette couche de réactivité et de doucement la dissoudre. Les pauses explorées dans le ressenti, sans volonté, révèlent une palette de sensations d’une richesse et d’une subtilité infinies. Libres de saisie et de contrôle, elles se déploient en nous mettent face à la réalité d’un corps malléable qui rayonne dans toutes les directions. 

            L’identité égotique se construit et se maintient via l’image du corps. Son besoin constant de s’affirmer et de se défendre étouffe notre réalité vibratoire. Découvrir par l’expérience directe l’irréalité de notre limite remet sérieusement en cause l’idée d’être une entité séparée. 

            Le corps, souvent réduit à un organe de préhension et d’affirmation par l’ego, est en fait un organe de réception hypersensible qui connaît, de manière innée, l’unité avec toute chose. Lorsque nous sommes déposés dans notre présence, le besoin d’entretenir une identité individuelle et de la protéger s’allège. La crispation égotique se relâche. Le corps retrouve transparence et légèreté. L’unité avec la totalité peut alors se vivre en toute simplicité.

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Nous remercions Nathalie Delay et Benoît Labayle de Synchronique Éditions de permettre ces re-publications.