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Pèlerinage dans le texte

  • bruneaujulien
  • 19 mars
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 20 mars

L'Apocalypse et la Genèse



SACHA STEURER


________________

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Au début, la fin. Ensuite vient l’origine. L’Apocalypse, puis la Genèse. C’est cet ordre que nous propose la danseuse et poète Sacha Steurer à travers deux séries de poèmes, Méditations apocalyptiques et Journal de la Genèse. Un ordre qui ne trouve pas son aboutissement dans un point final mais, au contraire, dans un nouvel élan, un printemps, une résurrection peut-être. 


L’Apocalypse, la Genèse, deux textes fondateurs, au combien mythiques, et qui ont tant été étudiés et commentés. Pourquoi y revenir, qu’en dire encore ? Et surtout qu’ont-ils, eux, à nous dire sur nos vies, aujourd’hui ? C’est précisément en partant de cette question que Sacha Steurer a entrepris l’écriture de ses poèmes. Comment rendre ces textes proches ? En faire la ressource d’un processus intime ? Comment voir la parole sacrée féconder son quotidien et, symétriquement, laisser ses journées lui révéler le sens des mots de la Bible ?


Apparaissant sous forme de journal, ces « pèlerinages dans le texte » ont été rédigés au fil d’une méditation lente et progressive des formulations bibliques. Méditation qui passe aussi par le tracé, le dessin, la couleur. Rédigé dans des carnets accordéon, l’ensemble donne lieu à des livres d’artiste manuscrits où mots et images se répondent. Ils restituent de manière délicate, allusive et diffractée l’imprégnation mutuelle entre la vie de l’autrice et le texte sacré. Ils peuvent en outre être considérés comme clôturant le recueil Contient que Sacha Steurer a entamé en 2013 en s’interrogeant sur ses origines – au sens familial et biologique du terme d’abord, puis, en s’ouvrant progressivement à la dimension spirituelle qu’implique cette question. 


L’écriture du Journal de la Genèse a également nourri la préparation d’une performance de danse du tournoiement lors de laquelle le premier chapitre de la Genèse était récité – voix, mouvement et présence prolongeant encore l’intégration et la réverbération du texte de la Bible.¹








Méditations apocalyptiques


Pèlerinage dans le Texte, 2023






    27 août


S’il ouvre, nul ne fermera le cri providentiel de la pluie. La jouissance s’accomplit à une pauvre fenêtre et s’il ferme, nul n’ouvrira avant que l’orage ne gronde et nous délivre du désert. Les portes grincent durant la longue Révélation… Patience, car à celle qui consent à lever les voiles sur son cœur blessé, la Jérusalem Céleste apparaît.




    18 septembre


J’ai ouvert devant toi une porte que nul ne peut fermer. La tête dans tes bras tu peux résister mais l’appel est irrésistible. Rue Grognard, dans les escaliers, la chasse au trésor a commencé. Un percussionniste haïtien accompagne les battements de notre peur. Il y a – un lapin blanc surgissant de nulle part – nous invitant à traverser le miroir.


Les fleurs que je regarde sont tes yeux.




    27 septembre


Une porte était ouverte au ciel. Il fallait se tenir en silence pour en trouver l’accès. Ou courir. La voix que j’avais naguère entendue me parler comme une trompette provenait d’un tunnel. Tout avait commencé par des vertiges, de l’eau froide sur un visage pour se protéger de l’angoisse de la mort. Tout avait commencé par des vertiges, qui parfois reviennent. Et la peur de la mort rencontrait l’évidence de l’Amour.




    6 octobre


Et le ciel disparut comme un livre que l’on roule. La colère du Très-Haut grondait. La pluie ne venait plus, il fallait attendre.


Je composais avec patience pour toi, Soleil de minuit, un bouquet de présences, mon sang pour racines.




    12 octobre


Je vis ensuite les sept anges qui se tiennent devant Dieu. Ils m’apportèrent un bonheur aride. On leur remit sept trompettes. Je te rencontrais dans un petit coin au bord du fleuve, tu captais les fils qui nous relient dans les couleurs de l’eau. Tu m’as raconté encore une fois quand tu les as sentis se couper, la mort qui s’approchait. Ta main tremblait de joie. Je ne savais pas comment t’attraper pour t’étreindre. Le dialogue du jour et de la nuit me parlait encore d’électricité. Ce furent alors des tonnerres, des voix et des éclairs, et tout trembla. Je me réfugiai chez mon ami le libraire pour trouver une image pour remplir le puits et la fable de l’Amour et de la Folie.







10 novembre


Telles m’apparurent en vision les montures et leurs cavaliers : ceux-ci portent des cuirasses de feu, d’hyacinthe et de soufre ; j’expirais très fort pour que se détache de ma nuque la fumée vomie de la bouche des chevaux. Car la puissance des chevaux réside en leur bouche ; plus de baisers entre nous tant qu’ils ne nous donneront pas vie ! Depuis quelques semaines, la guerre était déclarée en Terre sainte. Je savais qu’il fallait abolir toutes sortes de stratégies pour devenir la musique avec toi et danser le choc de la dépossession de soi dans l’Autre.




    23 novembre


Le visage comme le soleil, les jambes comme des colonnes de feu, tu me visitais en rêve et me montrais une chaînette en argent avec un cœur accroché à un barreau de fer dans une cave. Puis, tu apparaissais sous la forme d’un aigle blanc à la fois fascinant et terrifiant et qui me faisait rebrousser chemin dans la forêt. Je te retrouvais à la Cathédrale sous les traits du Livre ouvert.




    1er décembre


J’écoute la pulsion du mariage intérieur, un pied sur la terre, un pied sur la mer. Les grandes vagues de mon esprit, une danse orientale, un souffle qui cherche son chemin dans mes entrailles.




    21 décembre


Révélation sur révélation proviennent de l’ouverture à la nuit, lieu de la Genèse.




Au commencement était l’étreinte.






 




Journal de la Genèse


Pèlerinage dans le Texte, 2024








4 avril


Premièrement.

Le chant.


Une ouverture dans la nuit

vers le jour.

Je reviens d’un voyage vers l’autre rive,

là où chacune d’elles échangent dans l’eau

vers la confluence du jour qui se lève.


Jour unique.


Je me lève pour chanter et respirer

l’air frais, l’air vif.


Ainsi soit-elle la nuit vers le jour.

Alleluia au rythme des tambours.

Les enfants crient le Printemps.

Que s’ouvre le chant !




5 avril


A, première lettre chantée.


En ouvrant la bouche des traits,

des sons sortent de l’obscurité.

Les enfants s’approchent et me parlent.

Ils me renomment A. Alice au Pays des Merveilles.


Je traverse le miroir de l’eau

grâce au souffle des enfants.

Je suis la caresse du vide

d’où le point commence à danser

vers la ligne.


Premiers mouvements de vie.

En dehors du tombeau de la peur,

la pelouse verte et les marguerites.

Jusqu’à la folie.




11 avril


Que la lumière soit !

Que les portes s’ouvrent

« Car là où est ton trésor

Là aussi sera ton cœur ».

(Matthieu 6, 19)

Là où tout commence.

Au centre.

Dans la nuit et dans le silence,

lumière et eau

pour le passage.




13 avril


Comme quelque chose qui monte

en descendant vers toi le pissenlit.


Chaque souffle est un vœu d’union.

Chaque pas est un dialogue.


Et les oiseaux et les sirènes d’alarme

s’accordent et trouvent un langage vénusien pour s’expliquer.

Ce qui appelle à la vie,

ce qui appelle à la mort,

entre chaque marche d’escalier,

entre chaque saison.


Comme quelque chose qui monte

en descendant,

la lumière.


La rencontre a lieu sur une autre ligne de temps

et c’est la Genèse à tout instant.









9 mai, Ascension


Tout s’écoule.


À la croisée des chemins, il y a une croix

et c’est là où nous avons rendez-vous.


Ne résistez plus,

La vie est courte

et tout s’écoule –

Rendez-vous.




10 mai


Ainsi il y eut un soir,

ainsi il y eut un matin.

Jour unique du retour

du soleil comme au premier jour.

Sortie du tunnel des grottes du monde.


Se présenter comme un présent aux autres, à l’Autre,

cette part inconnue de soi.




13 mai


Par les chemins de traverse, en ouvrant ton regard

sur les côtés, tu accéderas au lieu hors-du-temps de

la Genèse.




15 juillet


Matin d’été

J’ouvre le fruit du silence,

le don des larmes s’accomplit.




12 août


Mon soleil,

je danse avec mes souvenirs et rend hommage

au chemin parcouru.




15 août, Assomption


Cher été,


Ma patience à te retrouver

est aussi infinie que l’est mon âme

et c’est toi qui m’as appris

la patience du mûrissement des fruits.


Des mirabelles je me délecte sous les étoiles

pendant la longue tombée des voiles

qui nous réunira un jour.


Un jour unique.

Un jour chantant –

D’une folle, folle harmonie.


Les croix nous indiquent le chemin de

réconciliation de nos vies.









Crédit photo :  Guillaume Delorme.


––––––––


¹  Performance dansée lors du festival de la Beauté de Lyon qui s’est tenu dans la Basilique Saint-Bonaventure sur le thème de la Genèse. > voir la captation vidéo.

Le carnet Journal de la Genèse y a été exposé dans le cadre de l'exposition de la peintre Régine Graille, invitée d'honneur du Festival, du 9 novembre 2024 au 5 janvier 2025. (retour)






 
 
 

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